Le vin est vecteur d'échange, de partage, et une fois de plus, j'ai pu vivre un de ces délicieux moments que cette passion peut provoquer. Le contexte : les habitués de ce blog savent que je retrouve régulièrement mes camarades œnophiles du web vin au restaurant le Vieux Chêne tenu par Stéphane Chevasus.
Lui-même, passionné aussi, participe à nos dégustations et propose une très belle carte des vins. De nombreux amateurs connaissent donc cette belle adresse. Un soir, il y a 1 an, Stéphane qui passent de table en table, nous indique qu'un de ses clients, américains, possède un domaine dans la Sonoma Valley et souhaite nous faire gouter la bouteille qu'il a commandé. Ni une, ni 2 avec l'ami Serge, nous l'invitons également à venir déguster quelques uns des crus que nous avons ouverts ce soir là. Le contact se fait, l'homme est sympathique, et très passionné. Nous échangeons nos cartes, et Robert Kamen nous dit qu'à sa prochaine venue en France, il aimerait nous faire gouter ses vins.
Quelques mois plus tard, Serge reçoit un mail, Robert sera présent à Paris avec son "viticulteur" Phil Cotorri. Le diner est vite organisé, en plus ça tombe bien, à cette date là mon ami allemand, amateur également, est en séjour à la maison. Nous voilà donc à 8 au Vieux Chêne pour découvrir les vins de Robert et de Phil qui possède aussi son propre domaine.
Robert, Kamen Estates Wines, ou comment un New Yorkais se retrouve avec un top domaine dans la Sonoma ? Parce que Robert, le vin c'est pas son métier. Non, son métier c'est scénariste au cinéma ! E comme dirait serge, avec son air malicieux, mais t'es connu aux States ? Attend je te googleise. Réponse de Robert avec un regard aussi malicieux : my name is a brand. Effectivement, Karate Kid, Taken, 5eme élément avec Besson, Transporteur, bref, une jolie réussite pour un anthropologue parti en Afghanistan début 70 pour étudier les peuples nomades. En rentrant, il découvre le vin avec son caviste, il vend sa collection de Kilims et lui demande de l'initier aux grands vins. Après quelques Haut Brion, Chaval Blanc ou Latour, le virus prend, et ne le quittera plus
A tel point qu'un jour, dans les années 80, Robert découvre dans la Sonoma, une parcelle magnifique : que de la roche, en pente douce, face à la baie de San Francisco qui apporte son souffle frais. Bien sûr, ça ressemble aux belles parcelles de vignes qu'il a vu en France. C'est décidé, il achète le terrain et on y plantera de la vigne. C'est là qu'il rencontre Phil. A l'époque Phil, fait pousser un peu de tout pour les propriétaires du coin avec une philosophie : pas de chimique, pas de mono culture ! Le discours convainc Robert, et c'est ainsi que Phil plante cabernet sauvignon et grenache mais aussi des pêchers, des pommiers, des fraisiers, des fleurs... Bref tout un écosystème. Car Phil est un des précurseurs du Bio, BioD aux US. Sa famille d'agriculteur, son oncle surtout a toujours refusé la mono culture et l'intensivité. Il a toujours trouvé ces plantes plus belles et moins malades en diversifiant ses cultures et en travaillant au champs, plutôt qu'au labo. Phil a pris la relève et c'est ainsi qu'il cultivera la parcelle de Robert, puis aujourd'hui, pour plus de 20 propriétaires en Nappa ou Sonoma dont quelques grandes familles françaises ayant investi ces coins là.

Ainsi, ce Sonoma Valley, Cabernet Sauvignon 2007 : nez de cassis mûr, compoté, note bourgeon cassis légère, pointe camphre, sur un fond boisé vanillé marqué maus classe et bien intégré. la bouche est robuste, aux tanins velours, savoureuse, elle s'étire en longueur grâce à une jolie fraicheur qui donne de la profondeur, sur le cassis mûr, note fraiche type bourgeon, ronce et fond vanillé encore un peu marquée. La finale est fraiche, digeste, élancée, très expressive et avec une longue persistance de cassis mûr, de vanille, de ronce. Encore très jeune, le vin se boit déjà très bien car il est digeste ce qui n'est pas une moindre qualité par ce coin. Excellent + 94-96. Devrait se complexifier et s'harmoniser avec le temps, de la belle ouvrage.
Bien que ce ne soit pas spécialement mon style préféré, ce cabernet présente surtout de la tension, de la fraicheur, ce qui le rend très digeste. C'est très mûr, mais ce n'est pas confit au sens sucré. C'est boisé certes mais c'est encore jeune. Un vin US plus proche d'un équilibre Bordelais classique. D'ailleurs, l'autre Robert, Parker, ne lui met que 94, ce que Robert, Kamen, ne comprend pas, mais c'est parce qu'il n'y a pas assez de "sucre" et de matière pour impressionner !

Et sinon, dégusté au cours de la soirée, sur les entrées :

Grece, Mantineia 2010 : Nez qui fait très muscat, essentiellement fleurie mais aussi abricot pêche. La bouche est très seche, droite tendue, sur la finesse, aux aromes de fleur et un fond fruit abricot, fruit blanc, poire. La finale claque, très séche, elle s'éteint aussi très vite. A l'aveugle je dis muscat et comme c'est la bouteille de Serge, j'ajoute Grèce :-) ! C'est un cépage local qui est issue d'un mélange de muscat/gewurztraminer. TB 88 (15). Un très bon vin d'apéro ou d'entrée légère.
Les autres rouges (toujours en aveugle) servis sur le plat de résistance :

Côte Rôtie Jamet 2004 : Nez marqué par son élevage moka, sur le cassis, note violette et bacon grillé, fond moka et vanille, l'ensemble est une syrah du nord avec de l'élevage typé selon moi (hihihi). La bouche est corpulente, tendue, presque vive de la profondeur, sur le cassis, la violette, un fond boisé moka, vanille. La finale est fraiche, presque trop mais offre une longue persistance ou le boisé disparait un peu au profit du végétal. Pour moi c'est clair, structure type Hermitage, droit fin, profond et élevage "moderne" je pars sur Delas Marquise Tourette 2004. Excellent 92 (16,5). A part le millésime, je suis quand même loin mais honnêtement j'ai bu cette bouteille il y a 6 mois, et je n'ai pas souvenir d'un élevage aussi marqué !


Voilà une bien belle soirée, beaucoup d'anecdote car robert est un amoureux du vin, et de la France, il y vient régulièrement et va visiter les vignerons, fait les marchés, dans le Rhone, en Bourgogne... Une bien belle rencontre.
Amicalement, Matthieu
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